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(Chan Chao, Young Buddhist Monk June 1997, 2000)

La jeune fille au pull rouge descendit à Myam. Elle pris la première à gauche aprés l'infirmerie, longea ensuite une série de batiments appartenant à l'armée puis tourna en direction du canal. Elle marcha encore pendant quelques minutes. Elle n'avait pas l'air de se soucier d'elle qui la suivait de prés. Elle s'arreta devant une petite maison sans enseigne mais qui semblait ouverte au tout venant. Elle entra et elle la suivit. L'interieur ressemblait à un café mais aurait aussi pu être une salle d'attente. Un moine Bouddhiste les accueillit d'un signe de la tête. Deux hommes avaient une conversation à une table sur le coté. Le reste de la pièce était vide. Elle pris place à une table de l'autre coté de la salle comme si elle connaissait la maison. La jeune fille s'assit tout prés. Le moine avait disparu derrière un rideau en perles colorées. Il réapparut quelques minutes aprés avec du thé qu'il servit à ses hotes sans prononcer un mot. L'inconnue souriait toujours.

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(Philip Lorca diCorcia, Head #23, 2000)

Elle n'avait aucun remords à abandonner J à son sort. Elle s'éclipsa discrètement de l'appartement qui aprés tout n'était pas le sien mais celui de ses voisins d'atelier. Elle repris le bus en direction du quartier 11. Il était tard et le bus était vide. Une jeune fille portant un pull rouge et une veste marine monta à Heda. Elle était fraiche et souriante comme si elle revenait du parc un samedi matin. Qu'est ce qu'elle pouvait bien faire à Heda à 4 heures du matin? Ou pouvait-elle bien aller de si bonne humeur?

Elle était intriguée et n'avait pas vraiment envie de terminer la nuit sur une conversation ennuyeuse. Elle suivrait donc l'inconnue jusqu'à sa destination et verrait bien ou cela la mènerait. Elle souriait maintenant aussi.

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(Bridget Smith, Airport Las Vegas, 1999)

J s'ennuyait lorsque les conversations ne tournaient pas autour de sa propre personne ou d'un sujet qu'il connaissait trés bien. Il trouvait toujours le moyen de bifurquer pour ramener les choses dans la bonne direction: lui même. Cette tendance de son comportement s'accentuait bien sur au fil des biéres qu'il descendait.

Si il depassait les 6 cans et que le moyen ne se présentait toujours pas, il ne se souciait alors plus des bonnes manières et passait généralement du coq a l'ane sans s'embarrasser de mauvaises transitions. Le coq s'appelait ici art contemporain, l'ane était devenu l'aéroport de Las Vegas.

J lui expliqua qu'il avait un jour suivi une danseuse rencontrée dans un hotel londonien. Il avait tout plaqué pour s'installer avec elle et avait pris le premier avion pour la retrouver. Leur histoire avait duré trois jours et il était revenu en passant par New York. Elle avait arreté de compter les bières. Le disque était rayé et elle dut patiemment écouter une fois encore l'anecdote du témoin de Jehovah, des biéres dans les sacs en papier et qu'elle ordure il avait été...heureusement aprés une autre bière J s'endormi sur le canapé.

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(Nigel Shafran, Sewing kit (on plastic table) Alma Place, 2002)

Elle avait croisé J en chemin et lui avait proposé d'aller boire ailleurs. Elle ne l'avait pourtant rencontré qu'une fois mais l'avait facilement reconnu à son uniforme et son air faussement hautain. Il n'avait pas hésité longtemps, il ne pensait pas s'attarder et se disait que ca lui donnerait une bonne raison de se faire désirer. Le bar du coin était proche mais elle lui promis une bière pour la route si il acceptait de prendre le bus jusqu'au quartier 4. Elle voulait lui montrer son atelier et ses récents travaux. Elle trouvait que ce serait une bonne entrée en matière. J n'y montra pas d'objection pas plus que d'intérêt arrivé à destination.

Bien qu'il n'aimait pas se retrouver coincé à l'interieur de quoi que ce soit, et qu'il n'avait que peu de temps pour l'art contemporain, il avait accepté l'invitation car il aimait voir ou les gens vivaient, par pure curosité déplacée. Il s'était dit aussi qu'elle devait être une fille facile et que ca valait peut être la peine d'aller jusque là.

Ils finirent dans le salon. Il restait encore de la bière donc J était content de rester un peu. Il remarqua l'assemblage d'objets devant la fenêtre. "et tu vas me dire que c'est de l'Art ça aussi!".

"Non!" lui repondit t-elle " C'est juste une boite à couture posée sur un socle en bois posé sur une table en plastique".

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(Ralph Eugene Meatyard, Lucybelle Crater and her 46-year-old husband's 21-year-old secretary Lucybelle Crater, 1970-72)

Je lui donnais mes impressions sur la soirée de l'avant-veille qui n'avait pas vraiment été un success. L'idée paraissait pourtant interessante: 'Venez déguisés en l'un des invités'. Je pensais que cela amènerait son pesant d'or de quiproquos et de desillusions sur la facon dont on se percevait les uns les autres. Même pas mal. Il est vrai que les soirées déguisées ne font pas toujours l'unanimité et je ne les aimais pas beaucoup moi même. Je pensais pourtant que ce serait différent cette fois. Le rèsultat fut contradictoirement surprenant. Sur les 10 personnes présentes, 7 étaient venues, sans pourtant se consulter au préalable, déguisées en J. Il est vrai qu'avec son uniforme pantalon noir-pull noir-chaussure noires et beret il était facile à imiter. Ca donnait aussi l'opportunité à ses groupies d'un soir de se comporter comme lui - égocentrique/ alcoolique/ hysterico-pleunichard - sans avoir à en assumer les conséquences ou à se sentir honteux les jours suivants. Trop belle l'occasion. L et Cy n'avaient pas joué le jeu et étaient venus en eux-mêmes et moi aussi d'ailleurs car aprés tout j'étais chez moi donc je pouvais faire ce que je voulais. Cy avait monopolisé la chaine et on avait du écouter joy division toute la soirée. J n'était pas venu. Elle me dit qu'elle avait reussi à le convaincre de la suivre alors qu'il était en chemin.

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(Jem Southam, Painter's Pool, 2003)

Et si on se faisait une soirée salle de bain? La salle de bain était carrelée donc peu importait les vètements mouillés. Aprés tout pourquoi devrait-on toujours recevoir ses amis au salon. Aprés tout elle s'était invitée pour un bain et un verre. La salle de bain était aussi assez spacieuse pour aisément accueillir deux sièges et des bières dans le lavabo. Elle servait aussi accessoirement de serre à Cy qui habitait de l'autre coté de la rue et qui n'avait pas de place chez lui pour assouvir sa passion du jardinage. Cy avait, il y a quelques mois, décidé d'emménager dans un appartement sans jardin aprés avoir passé vingt ans à peindre un tableau des sous bois entourant son ancienne maison. Il avait récemment complété son tableau et était maintenant prés à passer à autre chose.

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(Tom Hunter, The way home, 2000)

La sonnette me tira de mes pensées. Je considérais pendant un instant me débarasser du verre...mais non...pas tout de suite. Je pouvais bien tenir encore quelques heures, voire quelques jours qui sait.

A la porte, personne. J'étais pourtant sure de ne pas avoir rêvé. La rue était déserte mais la porte donnant sur le jardin était entre-ouverte. Je longeais l'étroit passage qui menait jusqu'à l'arrière de la maison. Rien à première vue mais alors que j'avançais vers le bassin je l'apperçue. Allongée dans l'eau, toute habillée, faisant la morte, parfaite replique de l'Ophelie de Millais. Elle fermait les yeux et gardais calmement la pose. Je savais qu'elle aurait attendu des heures que quelqu'un vienne la tirer de son sommeil prétendu. Maintenant que je l'avais trouvée, elle sortit de l'eau comme si de rien n'était.

"Je me suis invitée pour un bain et un verre, j'espère que le moment n'est pas trop inportun."

Elle réussissait toujours ses entrées. Je n'avais pas encore d'opinion sur ses sorties. je lui répondis que le moment était bien choisi. Je pensais...merde elle va me ravager l'appart avec ses vètements trempés et va encore repartir avec les miens.

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(Tracey Baran, Dewy, 2000)

Je rentrais à l'appartement et retrouvais le verre abandonné sur le rebord de la fenêtre, trace de la soirée de l'avant-veille. J'avais pourtant patiemment, et dés le départ des invités, vidé les cendriers, lavé tous les verres, ramassés les détritus divers et variés que génère ce genre de soirée, replacé méticuleusement les meubles et les objets à leur juste place, nettoyé l'appartement du sol au plafond. J'aimais néanmoins garder un souvenir de ces soirées pendant quelques jours, un verre à moitié vide, une trace de pas sur le carrelage, un mégot de cigarette dans un bol de tomates cerises. Mes amis pensaient que je conservais temporairement ces reliques des soirées passées pour me souvenir d'un moment particulier: un mot, une personne, une conversation, un sourire, une mauvaise intention. Je ne les ai jamais contredit mais je ne leur ai jamais avoué qu'il sagissait en fait d'un moyen de me convaincre que je n'étais au fond pas aussi maniaque que ca.

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(Wendy McMurdo, Helen Backstage, Merlin Theatre (the glance), 1996)

Je me regardais comme dans un miroir mais je savais bien que c'était elle. Elle me regardait aussi mais comme d'habitude je ne savais pas ce qu'elle pensait. Je savais que si je levais la main, elle réciproquerait, mais sans doute pas immédiatement. J'avais la mauvaise habitude de porter les mêmes vètements que les siens. Ils ne rendaient jamais pareil sur moi et je n'arrivais pas à deviner pourquoi...alors je continuais dans l'attente d'une réponse.

J'aurais pu passer encore un moment à me regarder mais le silence devenait inconfortable. Buttée, j'étais plus que jamais décidée à ne pas avoir le premier mot et il me parut alors sage de rebrousser chemin jusqu'à notre prochaine rencontre.

Table rase et nouveau projet...

Une histoire inspirée de photographies piochées au hasard des pages de La Photographie dans l'art contemporain, Charlotte Cotton, Thames & Hudson, 2004.